En vertu de l’article L210-1 du Code de l’urbanisme, les différents droits de préemption reconnus par le législateur sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions et opérations d’aménagement définies de façon très large par l’article L300-1 du même code.
Le Droit de Préemption Urbain (DPU) est la faculté que détient une commune, ou un organisme délégataire, d’acquérir un bien, dans certaines zones préalablement définies par elle, avant tout autre acquéreur privé dans le but de réaliser un projet d’aménagement urbain d’intérêt général (par ex. la création de logements sociaux, la lutte contre l’insalubrité, le renouvellement urbain,
… etc.)
Le propriétaire du bien n’est alors pas libre de vendre son bien à l’acquéreur de son choix et aux conditions qu’il la création d’équipements collectifs. La commune n’est pas obligée d’acquérir la totalité du bien préempté et peut n’en acheter qu’une partie. Le prix de la vente devra alors tenir compte de l’éventuelle perte de valeur subie par la partie non préemptée du bien, car celle- ci risque d’être difficile à revendre. Cependant, dans le but d’assurer la protection du propriétaire du bien, ce dernier peut exiger que la commune acquière l’ensemble du bien.
Le droit de préemption s’exerce toujours sur des aliénations à caractère onéreux (qui donnent lieu à une transaction commerciale), ce qui exclut son utilisation :
- sur les donations entre parents jusqu’au 6ème degré ou entre personnes ayant des liens issus d’un mariage ou d’un pacs
- sur les successions
- sur les conventions (partage, licitation…) mettant fin à une indivision au profit d’un des indivisaires
- sur les immeubles faisant l’objet d’un contrat de vente d’immeubles à construire (exemple : vente en l’état futur d’achèvement ou vente à terme)
- sur les conventions n’entrainant aucun transfert de propriété (exemple : cession ou donation d’un usufruit )
- sur les immeubles cédés à l’occasion d’un plan de cession élaboré dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
Par ailleurs, sont exclus du champ du droit de la préemption l’aliénation d’un lot de copropriété à usage d’habitation principale, à usage professionnel ou à usage professionnel et d’habitation dont le règlement de copropriété a plus de 10 ans ; ainsi que l’aliénation d’un immeuble bâti dès lors que la construction est achevée depuis au moins 4 ans
Toutefois, ces principes ne se voient pas appliqués en cas de « droit de préemption urbain renforcé » par lequel la commune, par délibération motivée, peut décider de les y soumettre. Ledit droit de préemption renforcé est également applicable par arrêt motivé du préfet dans les communes ayant fait l’objet d’un constat de carence au titre de l’article L. 302-9-1 du Code de la construction et de l’habitation (carence en logements sociaux).
Condition de ce droit
La commune doit disposer d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) approuvé, d’un Plan d’Occupation des Sols (POS) rendu public ou d’une carte communale approuvée pour instituer ce droit de préemption. Elle peut le faire sur les zones urbaines (U) ou à urbaniser (NA des POS, AU des PLU), ainsi que dans les zones d’aménagement concerté (ZAC), mais en aucun cas dans les zones NB, NC et ND des POS ou dans les zones agricoles, naturelles et forestières des PLU.
Le DPU ne peut s’appliquer à la totalité du territoire communal. Ce droit est transféré
automatiquement à l’intercommunalité qui possède la compétence pour l’élaboration des documents d’urbanisme. Dans les zones agricoles ou naturelles, la commune peut faire appel au droit de préemption de la Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural ou SAFER (cf. fiche 17)
Il est à noter que le Conseil Départemental, après accord du Conseil municipal, peut exercer un droit de préemption dans les zones agricoles ou naturelles qu’il aurait préalablement définies au titre de sa politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles.
Objectifs
Le droit de préemption peut être utilisé en vue de mettre en oeuvre :
- un projet urbain,
- une politique locale de l’habitat,
- le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques,
- le développement des loisirs et du tourisme,
- la réalisation d’équipements collectifs,
- la lutte contre l’insalubrité et permettre le renouvellement urbain,
- la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti.
Le DPU permet également de constituer des réserves foncières pour réaliser des actions ou des opérations d’aménagement à venir. Depuis la loi du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires, le DPU peut assurer le maintien des locataires dans un immeuble d’habitation.
Conditions d’application
A. Pour celui qui préempte
Le droit de préemption urbain est soumis à certaines contraintes :
- Il doit impérativement faire l’objet d’une délibération préalable du conseil municipal suffisamment motivée qui précise la nature du projet d’aménagement.
- Le maire a deux mois pour répondre à la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) envoyée par le vendeur (voir ci-dessous) et exercer son droit de préemption. Une absence de réponse dans ce délai équivaut à un refus de préemption.
- S’il préempte, le maire peut présenter une offre. Il peut décider d’acquérir le bien aux conditions proposées par le propriétaire. Les parties signent alors un acte notarié concluant la vente. La commune dispose d’un délai de 4 mois à partir de la signature de l’acte notarié pour régler le paiement. Tant que la commune n’a pas intégralement réglé le paiement, l’ancien propriétaire conserve la jouissance du bien (par exemple, percevoir des loyers sur le bien).
- La commune peut également décider de renégocier le prix de vente. Dans ce cas, elle dispose d’un délai de 2 mois à partir de la réception de la DIA pour proposer un autre prix au propriétaire par lettre recommandée avec avis de réception. Le propriétaire a deux mois pour l’accepter, renoncer à la vente ou maintenir l’offre indiquée dans la DIA. S’il maintient son offre initiale, le tribunal judiciaire (ex-TGI) devra alors être saisi dans les 15 jours par la collectivité publique, avec obligation de consigner 15 % du prix de vente à la Caisse des dépôts et consignations, sous peine de nullité de la préemption. Les parties disposent de 2 mois à partir de la décision du tribunal judiciaire qui fixe le prix pour faire connaître leur réponse. Leur silence vaut acceptation du prix et transfert de propriété. Un acte notarié doit tout de même être réalisé dans un délai de 3 mois.
B. Pour le vendeur
Avant de vendre, le vendeur doit :
Faire une demande de renseignement d’urbanisme (formulaire Cerfa n°46-0392) à la mairie de la commune. Ce document indique les règles s’appliquant au terrain, et en particulier si la zone sur laquelle se situe son terrain est soumise au droit de préemption urbain. Si c’est le cas, le vendeur doit faire une déclaration d’intention d’aliéner (document Cerfa n°10072*02) adressée au maire par courrier recommandé avec accusé de réception, en indiquant la nature du bien et son prix (*).
(*) La Déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est un formulaire qui doit être envoyé par le propriétaire ou son notaire en 4 exemplaires par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle peut être remplie par voie électronique et envoyée alors en un seul exemplaire. Y sont mentionnés l’état civil du propriétaire, la situation, la désignation et l’usage du bien vendu. La DIA précise aussi les modalités de la cession (prix de vente, modalités de paiement…), ainsi que le nom et l’adresse de l’acquéreur.
C. Pour l’acheteur
Il peut également faire une demande de renseignement d’urbanisme. Il a tout intérêt à établir une promesse de vente écrite avec le vendeur, car elle lui facilitera, le cas échéant, la possibilité d’aller en justice pour garantir ses droits.
Recours possibles contre une décision de préemption
L’argument du droit de préemption est souvent utilisé de façon abusive pour décourager ou empêcher les gens du voyage d’acheter un terrain. Il est par conséquent important de vérifier que les conditions d’application du DPU ont bien été respectées.
La décision de préempter peut faire l’objet d’un recours en annulation notamment lorsque cette décision est insuffisamment motivée par la commune. Le recours peut être engagé par le propriétaire vendeur, mais aussi par la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien. Ce recours doit être présenté devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois à partir de l’affichage de la décision en mairie.
Dans l’urgence, une procédure en référé peut être introduite.
Si le titulaire du droit de préemption urbain désire utiliser, à d’autres fins que celles définies par l’article 210-1 du Code de l’urbanisme, un bien acquis par préemption depuis moins de cinq ans, il est tenu d’informer l’ancien propriétaire afin de lui permettre de racheter son ancien bien ou de renoncer définitivement à cette acquisition.
Ce droit de rétrocession en faveur du propriétaire est également possible lorsque la commune n’a pas versé le prix du bien dans un délai de 4 mois à compter de la signature de la transaction.