Comment le droit de préemption s’applique-t-il aux surfaces agricoles et aux ressources en eau potable ?

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a institué un droit de préemption sur les surfaces agricoles situées dans un périmètre d’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine.

Ce texte a créé les articles L 218-1 à L 218-14 du Code de l’urbanisme auxquels un décret du 10 septembre 2022 (n° 2022-1223) relatif à leur mise en œuvre a été codifié dans les articles R 218-1 à R 218-21 du Code de l’urbanisme.

Qui institue le droit de préemption ?

A la demande et au profit des communes, groupements de communes ou syndicats mixtes ayant la compétence en matière de préservation des ressources en eau, le préfet du département concerné est compétent pour instituer le droit de préemption (cf. article L 218-1 du Code de l’urbanisme).

Les pièces devant figurer dans le dossier de demande sont : une délibération sollicita nt l’institution du droit de préemption, un plan présentant le périmètre sur lequel le droit de préemption est sollicité, une étude hydrogéologique, une note de présentation du territoire (ses pratiques agricoles, les démarches d’animation et les actions mises en œuvre par le service d’eau potable de la collectivité ainsi que le bilan qui peut en être dressé), un argumenta ire précisant les motifs qui conduisent à solliciter l’instauration du droit de préemption et justifia nt le choix du périmètre proposé.

La procédure d’instruction de la demande

Le délai d’instruction de la demande est de 6 mois à compter de la réception du dossier de demande complet.

Si le dossier de demande est incomplet ou insuffisant, ce délai est suspendu et reprend le jour de réception par le préfet des éléments (pièces ou informations) demandés. Si la collectivité demanderesse ne défère pas à la demande de pièces ou d’informations du préfet dans le délai qui lui est imparti, sa demande est rejetée.

A la réception du dossier complet par le préfet, ce dernier sollicite les avis : des communes concernées par le périmètre du droit de préemption , des établissements publics de coopération

intercommunale (EPCI) compétents en matière de plan local d’urbanisme, des chambres départementales et régionales d’agriculture des départements et régions, des SAFER concernées, du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et des commissions locales de l’eau (CLE) concernés.

Sur l’arrêté instituant le droit de préemption

Le projet d’arrêté est communiqué au demandeur qui a un délai de 15 jours pour présenter des observations écrites.

L’arrêté ou l’arrêté conjoint (lorsque plusieurs préfets sont compétents) rejetant la demande ou instituant le droit de préemption doit être motivé en faits et en droit, désigner le titulaire du droit de préemption et délimiter le périmètre sur lequel il s’applique.

Si une parcelle est située à l’intérieur de plusieurs aires d’alimentation de captages d’eau potable relevant de communes, de groupements de communes ou de syndicats mixtes différents, l’arrêté doit mentionner un ordre de priorité d’exercice des différents droits de préemption, en fonction de leur date d’instauration.

Lorsque tout ou partie du prélèvement en eau potable est confié à une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, le titulaire du droit de préemption peut lui déléguer ce droit par délibération de l’organe délibérant.

La procédure de préemption

L’article L 218-8 du Code de l’urbanisme indique qu’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) doit être adressée par le propriétaire de la parcelle objet de la vente au titulaire du droit de préemption, comportant obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation.

Le titulaire du droit de préemption dispose, à compter de la date de l’avis de réception, d’un délai de 2 mois pour l’exercer, son silence valant renonciation.

La décision du titulaire du droit de préemption doit être parvenue au notaire dans le délai de 30 jours à compter de la date de réception de la décision du vendeur et le silence du titulaire du droit de préemption à l’expiration de ce délai vaut renonciation et rétractation.

Lorsque le titulaire du droit de préemption transmet la DIA au directeur départemental ou régional des finances publiques, il a la possibilité de lui demander un avis attendu dans les 30 jours. Si l’avis n’est pas rendu dans ce délai, le titulaire du droit de préemption peut libreme nt procéder à l’acquisition objet de la DIA.

La juridiction compétente en cas d’action en nullité du contrat de vente

Les articles L 218-8 et L 218-9 du Code de l’urbanisme ouvrent une action en nullité de la vente se prescrivant par 5 ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété. Elle doit être exercée devant le Tribunal judiciaire dans le ressort duquel est le bien.

Les parcelles acquises par préemption peuvent-elle être mises à bail ?

L’article L 218-13 du Code de l’urbanisme dispose que les parcelles acquises par préemption intègrent le domaine privé de l’acquéreur et peuvent être mises à bail, après appel à candidatures, en vue d’une exploitation agricole compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau.

En cas de cession du bail, un contrat est obligatoire quant aux obligations réelles environnementales (ORE) et sur les mesures envisagées pour assurer la préservation de la

ressource en eau.

Les parcelles acquises par préemption peuvent-elles être mises à disposition de la SAFER ?

Oui, à condition que les conventions de mise à disposition comprennent des dispositio ns permettant d’assurer que l’usage agricole du bien sera maintenu ou rétabli, dans le respect de l’objectif de préservation de la ressource en eau.

Synthèse réalisée d’après un article de Chloé Schmidt-Sarels, avocate (sur www.village-justice.com)

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