Quels sont les objectifs du droit de préemption ?
L’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme énonce que les droits de préemption sont exercés « en vue de la réalisation dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau et à permettre l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement.«
Or, l’article L. 300-1 énonce que les opérations d’aménagement ont pour objet de « mettre en œuvre une politique locale de l’habitat, d’organiser la mutation, le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, notamment en recherchant l’optimisation de l’utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser ».
Il résulte des objectifs de l’aménagement, et donc de l’exercice du droit de préemption, que celui-ci se voit assigner des finalités aussi diverses que souples, donc interprétables…
Quelle est la règle en matière de justification de l’objectif poursuivi ?
Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, veille rigoureusement au respect de la légalité du droit de préemption. Il exige non seulement que la décision indique l’objectif poursuivi mais encore la conformité de l’opération envisagée à cet objectif. Il estime que l’indication de l’objet pour lequel le droit de préemption est exercé, a le caractère d’une formalité substantielle dont la méconnaissance entraîne l’illégalité de la décision considérée.
Quels sont les tribunaux compétents ?
Si les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître des actes de la puissance publique, les tribunaux judiciaires ont eu, jusqu’à ce jour le monopole du contrôle de l’exercice du droit de préemption, en raison de l’atteinte qu’il porte au droit de propriété. Aussi, la jurisprudence s’articule entre la décision de préemption qui relève des juridict io ns administratives et l’acte de vente qui ressort aux tribunaux judiciaires. Les tribunaux administratifs sont donc compétents pour contrôler le motif de la préemption.
Quelles sont les décisions jugées illégales ?
Parmi diverses décisions de préemption annulées, citons notamment celles prises :
- en vue du renforcement du parc immobilier de la commune pour faire face aux relogements rendus nécessaires par ses opérations d’aménagement
- en vue de conduire une « politique locale de l’habitat »
- pour « rétablir l’ordre et la sécurité dans le secteur et lutter contre l’insalubrité »
- en vue de constituer des réserves foncières pour permettre des activités économiques
- pour réaliser des travaux en vue d’amélioration de la sécurité des usagers. En effet, ces travaux ne sont pas au nombre de ceux qui constituent une opération d’aménagement au sens de l’article
L. 300-1 du Code de l’urbanisme
- pour mener à bien les objectifs d’aménagement municipaux, sans aucune précision sur un calendrier, ni sur les principales réalisations
- pour faire échec à un projet de construction privée
Quelles sont les décisions jugées justifiées ?
En revanche, suffisamment motivée et échappe donc à l’annulation :
- la décision de préemption effectuée « en vue de l’élargissement prévu d’une avenue au profit du département
- la décision fondée sur l’existence d’un projet de réalisation de logements sociaux alors que la commune ne disposait pas de logements vacants
Comment exercer le recours en annulation ?
L’illégalité de la décision doit être portée par le vendeur ou l’acheteur évincé devant le tribuna l administratif pour demander la nullité de la décision de préemption, mais pas à une association de défense. En revanche, les juridictions civiles sont compétentes pour apprécier la validité du contrat de vente et pour contrôler son prix.
Quelles sont les conséquences de l’illégalité de la décision ?
La décision de préemption entachée d’illégalité, est annulée. Mais, la jurisprudence admet aussi que la commune puisse être condamnée à verser des dommages-intérêts au profit du vendeur s’il a exposé des frais. Ce préjudice ne peut s’étendre que de la notification de la décision de préemption jusqu’à la date du retrait de la préemption illégale. Il n’est réparable que s’il est direct et certain, ce qui suppose que le vendeur ait été bénéficiaire d’un engagement formel d’acquisition aux prix et conditions mentionnés dans la DIA (déclaration d’intention d’aliéner). Mais, si le préjudice est certain, le vendeur peut réclamer réparation de la non-réalisation de la promesse, ainsi que le paiement d’une indemnité comprenant un manque à gagner résultant du placement du prix pendant que son immeuble a été immobilisé.